Porteurs de Cicatrices – L’AMAZONE

Illustration chapitre 15 de l'Amazone - Porteurs de cicatrices - illustration de Chloé Rogez

Chapitre 15 – L’Amazone – Tome 1

Le couvre-feu (L’Amazone, Chapitre 15)

Les jours qui suivirent étaient tendus. Nous avions repris les entraînements avec des sessions plus ardues qu’auparavant. Les cicatrices qui se formaient chaque jour pour disparaître rapidement pouvaient en témoigner au quotidien. Plus personne ne partait en mission sauf lorsqu’il s’agissait d’aller chercher une appelée. Les tours de garde se multipliaient… Notre nouvelle routine était assez pesante d’autant plus que les guerrières « douées » comme Sarah, Kenza et moi étaient surveillées et escortées dans chacun de leur déplacement. Fantastique… je n’avais besoin que de cela pour avoir le moral au plus bas. Ces escortes rendaient la menace des combats encore plus réelle et cela jouait vraiment sur le moral.

Nous revenions totalement épuisées des sessions d’entrainement et ne pensions qu’à nous jeter sous la douche, manger et se coucher. Kenza et moi nous sommes réveillées plus d’une fois sur le canapé, sur lequel nous ne pensions nous poser que « quelques minutes » avant de rejoindre nos lits. Il ne nous restait plus qu’à repartir pour la session d’entrainement du lendemain. Kayla et les autres ne passaient plus nous rendre visite pour dîner, non que cela nous gênait sur le moment.

Nos corps continuaient d’évoluer avec ces entraînements, ce qui était un point positif. Nous changions de nouveau de taille de vêtements. Après avoir vu la performance d’Ankara sur le terrain, je ne voulais qu’une chose : m’améliorer. Notre prochaine session d’entrainement avec elle aurait lieu dans deux jours et je voulais vraiment pouvoir rivaliser avec sa technique. Belen et Megan me répétaient que je finirais par la surpasser car pour le moment je n’étais qu’une appelée, que je ne m’étais pas révélée à 100%, que ma façon de combattre sera toujours différente car je suis une voltigeuse et pour finir que je gagnerais plus de force quand j’accepterai que ma guerrière tue de mes mains car elle me montrerait la voix et par la même occasion toutes les techniques qu’elle avait pu apprendre via ses différentes vies…. Mais ces excuses ne me satisfaisaient pas.

Après un regard à mon reflet dans le miroir de mon armoire, je soupirais avec un air quelque peu satisfait. Ce que je voyais ne me déplaisait pas. Mes muscles continuaient de se dessiner sans passer pour ceux d’un body builder. Mon corps était tonique, de mes épaules jusqu’au bas de mes jambes. J’avais désormais un fessier que m’envieraient toutes les profs de fitness dans leurs petites tenues flashy. Au moins, les efforts payaient.

Perdue dans mes pensées, le retour à la réalité fut brutal lorsque je vis l’heure indiquée sur mon réveil. Il ne me restait plus que quelques minutes pour me préparer avant d’aller à la cantine et prendre mon petit déjeuner avec mes sœurs. Le premier entrainement de ce matin avait été un peu rude et je n’avais pas envie de cuisiner quelque chose à la dernière minute de la maison. J’optais pour la facilité. En entrant dans le bâtiment commun, je constatai que je n’étais pas la seule à avoir pensé à cette option. Je balayais la salle du regard à la recherche de mes amies avec lesquelles j’avais désormais peu de temps pour converser. Au passage, je saluai toutes les guerrières que j’apprenais à reconnaitre depuis mon arrivée. Si la fatigue n’avait pas été présente dans tous les regards que nous croisions, j’aurais pu trouver ces salutations enjouées. J’avais hâte que cette menace de combat prenne fin pour apprécier toutes ces nouvelles relations dans le clan. A quelques pas de la table, Ankara déboucha sur ma droite sans prévenir et me passa devant. J’étais plus surprise que fâchée car au premier coup d’oeil, je comprenais qu’elle ne m’avait pas vu non plus. C’est peut-être d’ailleurs pour cela que je ne l’avais pas perçue plus tôt. J’avais tendance à me fier à ce halo de haine qu’elle dégageait à mon égard. Je fus étonnée de me rendre compte que je n’avais pas poussé la curiosité de connaitre sa lueur. Je me déçus de ce nouveau manque de professionnalisme : Ankara n’aurait jamais omis de le faire. Je toussai légèrement pour attirer son attention et la sortir de ses pensées.

– « Ankara ? … Ankara ? », préoccupée, elle ne revint à la réalité qu’à ma deuxième interpellation. « Je voulais savoir si les entrainements pour maitriser ma bascule tenaient toujours et si tu étais disponible jeudi soir sur le terrain de lancer de poids. »

– « Hum ? Euh ouais… et cette fois, fais un effort pour être efficace avant la fin de la séance. Histoire de ne pas nous faire perdre de temps, comme toujours. »
Je pris sur moi pour ne pas répondre. Quelle garce ! Mes amies avaient entendu cet échange. Elles hochèrent la tête pour saluer mon sang-froid et d’un sourire en coin, me félicitaient de ma maturité face à une telle agression verbale. Mais je n’avais aucun mérite : ce que j’avais discerné derrière les mots d’Ankara avait détourné mon attention et ma colère. Il n’y avait pas cette haine habituelle. Elle avait sorti cette réplique par habitude, cependant elle ne semblait pas penser chaque mot de ce qu’elle disait. Mais les spectateurs de cette scène ne pouvaient lire cette impression.
Au moment de m’asseoir près de Megan et Kenza avec mon plateau, que j’avais rempli avant de les rejoindre, Elena nous rejoint avec deux énormes cartons au bout de chaque bras. Elle ne soufflait pas sous le poids de ces derniers mais plus par leur taille encombrante. Je n’avais pas encore pu en placer une que j’entendais Elena s’adresser à nous.

– « Vous êtes les premières à recevoir le nouvel équipement, entièrement doublé de kevlar. Nous avons ajouté d’autres protections à vos tenues de combat, officielles ou non. Vous passerez également en fin de journée au Conseil pour prendre de nouvelles armes que vous dissimulerez chez vous et dans vos affaires personnelles. »
Elle ne nous regardait même pas et se hâtait de distribuer cet équipement rapidement et sans état d’âme comme une employée d’administration. A table, personne ne bronchait. Elles se contentaient de récupérer au vol leur paquet.

– « Stop ! », dis-je d’un ton ferme mais aussi peu agressif que possible.

– « Pardon ? », me lança Elena, surprise et sur la défensive.

– « Stop ! », répétai-je.

– « Nous sommes en train de petit-déjeuner, nous n’avons même pas pu nous dire bonjour. Nous sommes debout depuis l’aurore pour nous entraîner. Chose que nous ferons encore toute la journée. Nous acceptons le couvre-feu, pour ma part j’accepte même la responsabilité de l’attaque. Mais regarde-nous quand tu nous parles. Et cela vaut pour chacune d’entre nous », dis-je en me retournant vers mes sœurs. « Nous sommes un clan. Nous devons être solidaires. Nous devons travailler également sur notre relation. On ne mange plus ensemble, on ne rit plus, on ne se parle plus », lâchai-je, passablement énervée.

– « Parce que ce n’est juste pas le moment de rire, Elise », commençait Elena à me réprimander.
Megan intervint.

– « Elle a raison. Stop. On va trouver le temps de souffler et d’éloigner cette pression des combats pour retrouver en cohésion et être plus efficaces. Nous continuerons de travailler et de nous entrainer, mais nous avons besoin d’une soupape de décompression. »
Elena prit pour elle cette remarque et s’en alla sans ajouter un mot. Megan secoua sa tête en se penchant sur son assiette. Kenza et moi échangions un léger sourire, comme pour apprécier cet élan de camaraderie et le soutien de Megan.

– « Fatiguées ou pas, on se donne rendez-vous à la maison ce soir pour prendre un verre ? », lança Kenza.
Les visages de mes amies se déridèrent et un sourire de connivence nous était rendu.

– « Il va bien falloir, si on veut que tu nous racontes enfin ta bascule », dit Kayla avec un air de malice.
Kenza rayonnait et je me détendis enfin pour apprécier mon petit déjeuner. La session d’entrainement qui suivrait sera moins difficile à supporter.

– « D’accord… et donc la douleur n’a duré que quelques minutes, comme nous ? », revenait Gwen sur la dernière information lâchée par Kenza.
Cela faisait la dixième fois qu’elle nous racontait sa bascule et Gwen prenait des notes dès les premiers mots mais visiblement cette dixième version contenait toujours autant de mystère.
Kenza prit le temps de finir sa dernière bouchée de pizza avant de répondre. Il lui était difficile de manger tout en racontant les évènements.

– « Oui, moins qu’Elise. Mais nous en avons parlé. On pense que c’est parce qu’elle a forcé sa guerrière à se montrer alors que pour moi, c’est elle qui s’est réveillée face au danger. »

– « C’est effectivement une explication plausible », dit Gwen, perdue dans ses pensées. « Je vais partager cette info avec le clan des Protecteurs », finit-elle dans un regard entendu avec Kayla.
Elena faisait encore la tête depuis ce matin. Malgré l’invitation de Gwen, elle n’avait pas voulu se joindre à nous. Mais je ne m’en offusquais pas. Elle allait bien finir par se calmer et se rendre compte qu’elle avait pris trop à cœur ma remarque. Nous n’avions pas tenté d’inviter Alexis, vu le savon que nous nous étions pris. Cela allait nous prendre plusieurs semaines pour apaiser ces tensions. Nous ne voulions tellement pas décevoir notre alpha. Avec le recul, nous comprenions sa colère mais nous ne savions pas comment revenir vers elle. Nous espérions qu’un évènement futur ferait le travail pour nous rapprocher comme si rien ne s’était passé.

– « Et arrives-tu à percevoir nos lueurs comme Elise ? », reprit Gwen.

– « Oui, je commence à les distinguer mais je suis limitée dans la distance, comme elle », précisa Kenza.
Je réfléchissais à ses derniers mots qui réveillaient une crainte chez moi depuis quelques jours. Si l’ennemie utilisait des explosifs, elle n’aurait aucun scrupule avec les armes à feu. Comment ferai-je pour percevoir la présence de ces guerrières si j’étais limitée par mes dons? J’essayais de me rassurer et me concentrer sur la conversation des filles.

– « … c’est pour ça que je pense que, comme Elise, tu n’as pas encore finalisé ta transition. »
Mon expression mimait celle de Kenza et j’osais reprendre le fil des échanges.

– « Mais elle n’a pas forcé sa nature. C’est la guerrière qui l’a choisi. Comment est-ce possible ? »

– « Nous ne savons pas. Mais vos lueurs ont évolué sans montrer plus de similarités avec les nôtres. On sent toujours une force latente chez vous qui nous laisse penser que vous pouvez faire encore plus ». Gwen cherchait ses mots, tant pour trouver une tonalité plus juste à ce qu’elle ressentait que pour nous épargner. « C’est comme si vos guerrières ne pouvaient pas éclore car l’enveloppe était trop petite. Ca ne fait pas sens, ni pour vous, ni pour nous, mais c’est la façon dont on perçoit vos âmes de guerrières. Celle d’Elise commence à perdre patience, on le sent mais nous ne savons pas comment vous aider. Enfin il y a bien un moyen … »
Elle venait de créer un malaise dans le groupe car nous savions toutes à quel évènement elle faisait allusion.

– « S’il ne s’agissait pas d’Elise, nous serions déjà sur les nerfs en l’attente d’un premier débordement de haine incontrôlé. »
Megan restait pensive. J’en déduisais qu’elle s’imaginait la perte de Gwen comme nous toutes mais elle rebondit sur un point.

– « Et si la guerrière n’arrivait pas à sortir non pas parce que vous êtes encore là mais parce qu’il y a trop de dons qui ne demandent qu’à éclore en même temps ? »
Kayla la dévisagea, tout comme Gwen.

– « Je sais que vous avez confiance en nous … et c’est flatteur… mais je doute qu’on soit aussi talentueuse », s’excusait maladroitement Kenza.

– « Vous ne sentez pas ce que l’on ressent quand vous approchez. Que ce soit de nos yeux ou avec nos autres sens, nous voyons votre aura grandir et elle écrase tout aux alentours alors que nous n’êtes que des appelées. Arrêtez de douter de vos compétences. On ne vous laisse combattre à nos côtés pas parce que nous sommes en sous-effectif, mais parce que l’on sait que vous êtes déjà solides », appuya Megan.
Cette soirée n’apportait pas plus de réponses à nos questions et nos peurs pour nous, appelées, que pour nos sœurs chargées de nous étudier. Mais au moins, nous nous retrouvions autour d’un vrai repas. Cela m’avait manqué.

Songe d’une nuit d’hiver (L’Amazone, Chapitre 15)

J’avançais doucement vers un carré de verdure. Le soleil brillait haut dans le ciel et réchauffait ma peau. Cela me faisait un bien fou. Pour la première fois depuis quelques temps, je n’avais pas à courir d’un entraînement à l’autre. Je ne savais plus ce qu’était un jour de repos. J’avançais doucement vers ce saule pleureur qui dessinait une ombre prometteuse. Une sieste sous ses branches me tentait particulièrement. Je n’eus pas le temps de m’asseoir que Gabriel me rejoignait les yeux rougis. A quelques mètres de moi désormais, il ne m’avait toujours pas adressé un mot, ce qui ne lui ressemblait pas. Je m’attendais au moins à une émotion plus joyeuse sur son visage car notre dernière rencontre remontait à quelques mois. Alors qu’il était à mes côtés, il bifurqua sur la droite et s’éloigna de l’arbre. Je l’interpellais mais il ne me répondait pas. Il m’ignorait délibérément.
Je le suivais. Ce n’est que lorsqu’il posa un genou à terre devant un groupe de sépultures fraîches que j’aperçus ce qui nous entourait… Des tombes. Des centaines de tombes. Certaines sous globes de verre comme notre cimetière souterrain, d’autres comme on en voit dans les cimetières civils. Cette apparition de pierres tombales était un choc et j’avais du mal à détacher mon regard pour me recentrer sur mon frère. Comment avais-je pu occulter ce détail ? Au bout de quelques secondes, j’entendis les sanglots provenant de Gab, qui était avachi devant une des stèles. Encore déboussolée et refroidie par son comportement à mon égard, je ne posai qu’une main légère sur son épaule pour le réconforter et lui montrer que j’étais toujours à ses côtés. En enlevant cette dernière, ma paume laissait une empreinte rouge vif. Du sang. Frais. Je regardais mes mains. Aucune blessure n’était à déplorée de mon côté mais le sang sur mes mains ne cessait de couler. D’où venait-il ? Il ruisselait doucement entre mes doigts et se répandait autour de moi. Sur mes pieds, mes cuisses. Je notais alors ma tenue. Je portais mon armure de combat. J’étais persuadée de porter une tenue plus légère quelques minutes auparavant, alors que je sentais encore les rayons du soleil sur ma peau. Plus les secondes passaient, plus mon attirail pesaient sur mes épaules. Les reniflements légers de Gab me rappelaient sa présence. Mon Dieu, il ne devait pas me voir avec cette tenue. Il ne devait pas savoir ! Comment lui expliquer… Son regard était dur et se foutait royalement de ce que je portais. J’attendais de la surprise, de la peine mais pas de la colère ou de la rancœur. Il me tournait désormais le dos. Alors que je tendais de nouveau ma main ensanglantée pour le retenir, je vis enfin la tombe sur laquelle il se recueillait. Patrick Breson 1961 – 20..

Avec horreur, je contemplais ce nom. Pourquoi ne voyais-je pas la date de sa mort. Que voulait dire tout cela ? Ce n’est pas possible. Je commençais à hyper ventiler. Mes mains tremblaient compulsivement. Mes yeux roulaient dans tous les sens, comme une boule de flipper, à la recherche d’une explication. Mais ce que je vis provoqua chez moi une remontée de bile. Sur les tombes d’à côté, je pouvais lire le nom de Damien, puis celui de Gwen sous le globe qui la recouvrait, et d’autres de mes proches… Je cherchais autour de moi un indice pour m’expliquer ce qu’il s’était passé. Il s’agissait à coup sûr d’un rêve mais d’expérience, je savais que ce genre de rêve avait une signification. Je recherchais un élément qui m’indiquerait la date de ce massacre. Je ne rencontrai que le regard d’acier de Gab et ses mots qui tranchèrent cette quiétude relative comme un couperet. « Tout cela, c’est de ta faute. »
Je me réveillai en sursaut, dans mon lit. Les larmes coulèrent malgré moi. Les chats se rapprochèrent immédiatement pour se blottir contre moi. La force de l’habitude. Je respirai à fond pour me calmer. Ce que j’avais vu n’était pas encore fait. Je pouvais changer la donne.


Le lendemain, je mis les bouchées doubles à l’entraînement. Je ne parlais pas de ce rêve aux autres. Je gardais mes pensées pour moi. De toute façon, il y avait peu de chance que Kenza puisse m’aider pour les prémonitions. Elle avait botté en touche sur ce qu’elle avait vu lors de la visite de Patrick et Gab. Je ne pouvais que compter sur moi pour changer le cours des évènements. Si Patrick et Gwen ne se rencontraient pas, il y avait peu de chances qu’ils meurent ensemble. J’avais donc décidé de reporter leur prochaine visite et voir avec Alexis pour leur rendre visite. Damien n’avait pas prévu de venir dans le camp, ce qui me faciliterait les choses. J’enchainais les passes d’armes avec Tara. Elle avait également énormément progressé. Elle souhaitait depuis le début obtenir une revanche sur ces clans qui avait supprimé ses proches pour l’atteindre. Nous n’échangions aucun mot. Nous étions chacune perdue dans nos pensées et nos corps prenaient le dessus pour cet entrainement. Ce soir, je retrouvais Ankara pour une session. La soirée de demain serait consacrée à Kenza. J’avais déjà hâte de rejoindre mon lit ce soir mais les réminiscences de ce rêve me donnèrent un regain d’énergie. Je venais de désarmer Tara de sa lame grâce à la dernière passe enseignée par Kayla. Une esquive sur la gauche avant d’enrouler par-dessous le bras tenant la lame. Je n’en tirai toutefois aucune satisfaction tant j’étais pensive. Des semaines auparavant, je m’étais coupée maintes fois à tenter de la faire. Nous continuions le combat à mains nues. La lutte et la boxe ne me faisaient pas peur. Depuis le temps que nous nous entrainions sur ces techniques, j’étais sereine face à mes adversaires. Je notais également les progrès de Tara en la matière. Sa carrure était désormais impressionnante. Cela faisait un moment qu’elle n’était pas venue à la maison. Elle se faisait rare depuis la visite Gab et Patrick. Il faut dire que la mascarade qu’on jouait lui rappelait amèrement qu’elle n’avait pas cet effort à faire puisqu’aucun proche ne viendrait lui rendre visite. Je voulais en toucher un mot à Kenza ce soir. Il fallait pour son moral que Tara socialise de nouveau. Connaissant ma colocataire, elle serait la première à l’inviter. J’étais chanceuse de vivre avec une personne aussi gentille et facile à vivre. Un crochet atterrit lourdement sur ma pommette. Aie. Je devais faire plus attention. Je ressentis comme un pic de peur qui disparut aussitôt qu’il était apparu. Cela ne pouvait pas venir de moi. Rien de ce qu’il venait de se passer ne me faisait peur. Je levai distraitement la main vers Tara pour lui signifier une pause. Je balayai rapidement mon regard autour de moi pour comprendre d’où venait ce mouvement de panique. Mais les filles étaient tout à leur combat et continuaient comme si de rien n’était.
Aucune n’affichait une expression perdue ou effrayée. Je rencontrai enfin au loin le regard de Kayla qui supervisait cet entrainement avec Belen. Elle tenait dans sa main un appareil photo mais ne s’en servait pas activement. Elle se figea en apercevant mon regard. Je levai le menton en guise d’interrogation pour savoir si cela venait d’elle mais elle ne comprit rien à ma gestuelle. Je détournai donc mon regard de nouveau vers Tara pour reprendre le combat. Je me promis d’en reparler à Kayla et Gwen plus tard pour comprendre ce qu’il s’était passé.
Le déjeuner se déroula sans heurts. La fatigue reprenait le dessus même si nous faisions toutes un effort pour passer outre. Les cours théoriques de l’après-midi, même si très intéressants, nous laissaient un goût amer tant nous devions lutter pour ne pas nous endormir. Je m’étais convaincue après mon arrivée que je ne connaitrais plus le sentiment d’être vannée, exténuée, au bout du rouleau… quelle arnaque ! Alors que notre corps avait la faculté de compenser nos efforts, la situation du moment nous demandait d’en faire toujours plus. Moi qui me réjouissais de ce sentiment nouveau d’avoir besoin de faire du sport, cela faisait un moment que mon corps ne réclamait plus de dépenses énergétiques supplémentaires.


L’heure de l’entrainement avec Ankara approchait. Gwen me rejoignait, comme d’habitude, pour continuer à noter ma progression et en apprendre plus sur ma condition. Nous n’éprouvions plus de gêne sur la possibilité que je la remplace. Les derniers évènements m’avaient au moins permis d’abandonner cette pudeur des mots, cette culpabilité de destinée. Encore une fois, je fus surprise de l’arrivée d’Ankara que je n’avais pas repérée, toujours perdue dans mes pensées. Sa mine était renfrognée. Les habitudes ne changent pas. Mais pas de haine à l’horizon. Elle ne se faisait pas plus loquace et me laissait même le temps de me mettre en condition. Je me concentrai sur mes catalyseurs habituels pour faire apparaître le voile rouge de la guerrière. Le rêve de la nuit dernière facilita les choses. Depuis ma dernière bascule, mon âme de guerrière avait appris à me faire confiance et me laissait en contrôle de la situation tout en me prêtant ses facultés physiques exceptionnelles. Désormais pleinement consciente de mon environnement, l’entraînement avec Ankara avançait plus vite. Gwen l’incita à me provoquer au combat pour savoir si mes forces se décuplaient également, tout comme mes sens, lors de mes passes d’armes. Elle y consentit sans un mot, ce qui fit sourciller Gwen. Avec un plaisir non dissimulé, je sentais que la guerrière en moi prenait plus d’assurance. Alors que je pensais avoir fourni des efforts considérables, je découvrais avec bonheur un tout autre panel de possibilités : endurance, dynamisme, habileté, tonicité… brutalité. Ce dernier trait me faisait peur mais il était rassurant de savoir qu’il existait en cas de besoin. Je contrôlais toutes ces émotions et dès la première connexion du jour, j’en jouais comme un prodige s’exécute sur un piano. Gwen était fascinée et ressentait tout ce qui m’alimentait sur le moment. Ankara tenait bon face à mes assauts et commençait même à souffler sous l’effort, comme la dernière fois. Le regard de Gwen s’attardait de temps à autre sur Ankara mais je n’arrivais pas à lire autre chose que de la confusion et de la suspicion vers la fin de notre entraînement. Après plus d’une heure et demie d’échanges, nous nous séparâmes rapidement pour retourner chacune chez nous et enchaîner sur notre rituel du moment : douche, diner, repos. J’échangeais quelques mots avec Kenza qui semblait aussi éreintée, mais qui affichait ce nouveau sourire mi soulagé mi conquérant depuis sa bascule.

Le leurre d’Artémis (L’Amazone, Chapitre 15)

Le lendemain était une répétition de ce que l’on vivait chaque jour depuis l’attaque. Je finissais de prendre ma douche après le footing matinal quand Kayla déboula sans frapper chez nous. Depuis les escaliers, elle aboyait :

– « Kenza ! Elise ! Au Conseil et vite ! »
Aucun « rise and shine, amazons », qui m’horripilait certains jours. Cela devait être sérieux. Elle sortit aussi rapidement qu’elle était entrée. Nous nous précipitions pour enfiler des vêtements lambda afin de la rejoindre au plus vite. Le regard de Kenza se faisait tout aussi interrogateur. Elle n’avait rien senti et puisque nos âmes de guerrières étaient en veille, aucune agression immédiate n’était à craindre.
Arrivées sur les marches du bâtiment, nous ne prenions pas la peine de frapper à la grande porte pour nous rendre directement dans le petit salon qui faisait office de bureau/salle de meeting pour Alexis. Nous n’avions pas eu l’occasion d’échanger depuis le
débrief de l’attaque.

– « Que se passe-t-il ? » se renseigna Kenza.
Megan, Elena, Gwen, Ankara et Sarah se bornaient à se fixer en silence ou regarder le sol.

– « Je viens de recevoir un charmant colis de Noël en avance », expliqua Alexis d’un ton monocorde, en s’approchant de nous et en posant un carton partiellement ouvert.
A l’intérieur, nous pouvions voir ce qui ressemblait à un cœur. N’en ayant jamais vu avant, je n’aurais su dire s’il était humain ou animal. Mais vu mon regard, Megan se sentit obligée de me préciser qu’il s’agissait bien d’un animal.

– « Un cœur de biche pour être exact », renchérit Alexis.

– « Comment le sais-tu ? », osai-je prudemment.

– « On a voulu me faire passer un message. Une mise en garde plus explicite sur ce petit mot », dit-elle en me le tendant.
On pouvait y lire « tic toc tic toc… ».

– « La biche est l’animal fétiche d’Artémis, la patronne de notre clan. On n’a pas fait d’analyse ADN, mais je mets ma main à couper qu’il s’agit d’une biche pour me signaler ma propre mort à venir. Je m’avance peut-être mais je pense qu’Anya vient d’envoyer des menaces plus précises sur ma personne… elle s’est donnée de la peine à ce que je vois car des biches, il y en a peu près de chez nous… », finit-elle avec un brin d’ironie qui cachait mal sa colère.

– « Comment ce colis est arrivé jusqu’ici ? », interrogea Kenza.

– « On l’a déposé à la porte Nord du camp », précisa Ankara.

– « Et les sentinelles n’ont rien vu ? », renchérit Kenza, incrédule.
Ankara secoua la tête.

– « Quels sont nos recours face à cette menace ouverte ? », demandai-je.

– « J’ai prévenu le Grand Conseil de cette menace il y a quelques minutes. Ils ont préféré détourner le regard en prétendant que la menace n’était pas assez explicite pour ouvrir un procès officiel ».
Sur ces derniers mots, Alexis avait de plus en plus de mal à cacher sa colère.

– « On a un Grand Conseil ? »
La surprise de Kenza était complète et faisait écho à la mienne. Il y avait décidément encore beaucoup de choses que j’ignorais sur notre condition.

– « Oui », reprit Alexis. « Nous ne vous l’avions pas mentionné avant car cela n’avait sur le moment aucune importance dans votre formation. Nous les avions prévenus après l’attaque, mais dans les faits, ces derniers interviennent peu dans les conflits, même s’ils aiment prétendre le contraire et souhaitent régenter les clans. Ils se contentent de répertorier les attaques dans leurs archives pour expliquer certains phénomènes, ou encore des créations et exterminations de clans. Je les vois comme des bookmens, parallèles aux nôtres, plutôt qu’un Conseil. Après toutes leurs promesses, je suis outrée qu’ils refusent d’admettre cette menace et détournent le sujet. A croire qu’ils ont peur d’Anya… »

– « … ou que ta mort les arrange pour mettre la main sur certaines lueurs », finit Kayla sur un ton qui cachait mal son mépris.
Tous les regards convergèrent vers elle devant la véracité de ces propos. Évidemment.

– « Il faut donc se préparer à recommencer les combats bientôt. Nous ne laisserons pas une bande de sauvageonnes ruiner ce que nous avons construit, et bafouer les principes mêmes de notre idéologie », appuya l’alpha avec conviction.

– « Les filles sont prêtes et nos lignes de défense sont consolidées », confirma Megan.

– « Bien. Nous pouvons donc vaquer à nos occupations en attendant leur prochaine offensive. Le Grand Conseil me rendra des comptes plus tard quand nous nous serons débarrassées d’Anya », acheva Alexis en tournant brusquement la tête pour se diriger ensuite vers son fauteuil. « L’une d’entre vous aurait-elle la gentillesse de se débarrasser du cœur une fois enregistré dans nos archives ? »

– « Je m’en charge », dit Elena.
Elle emportant déjà la boite loin de nous. Ayant toujours certaines questions quant à ce dernier, je me tâtais depuis l’invitation d’Alexis à nous retirer. Kenza le sentit. Cette connexion avait du bon. Elle prit doucement la parole avant que toutes ne quittent la salle.

– « Ce cœur de biche, c’est par rapport à l’histoire d’Iphigénie, c’est bien cela ? »
Alexis, contrairement à mes craintes, se détendit et reprit :

– « La biche est devenue le symbole d’Iphigénie car il s’agit de l’animal qui l’a remplacée sur l’autel du sacrifice. C’était l’animal fétiche d’Artémis ce qui signifiait beaucoup pour la déesse. Quand elle a prise l’enfant sous son aile pour en faire une guerrière et une pythie, elle la préparait en fait à prendre sa suite, un peu comme la fille qu’elle n’a jamais eue. Elle l’accompagnait partout et avait accès aux Mystères de l’Ombre qu’Artémis et son frère défendaient depuis la nuit des temps. Artémis a utilisé son nom pour d’autres symboliques. Iphigénie signifie « origine d’une rare force, vaillante de naissance », mais dans certains textes, Artémis a utilisé ce dernier pour décrire une jeune fille, une nymphe ou encore une vieille femme… soit les Parques, les grandes détentrices des secrets du temps et de la destinée. »
Je profitais de ce moment pour faire le premier pas. Les autres nous entouraient mais je n’aurais peut-être pas d’autres moments de le faire et cette situation me pesait. Encore plus que le dédain d’Ankara à mon égard lorsque je lâcherais les premiers mots.

– « Je suis encore désolée de ne pas avoir écouté Megan lorsqu’elle préconisait de t’appeler dès les premières menaces sur Kenza. Nous n’en saurions sûrement pas là et je… »
Alexis me coupa d’un geste de la main. Il n’y avait aucune animosité dans son geste.

– « Je conçois que vous n’ayez pas compris la portée de ces menaces, mais cela n’aurait rien changé. Anya veut ma peau depuis longtemps. Vous avoir à nos côtés n’a fait qu’attiser sa haine et lui donner une raison supplémentaire de passer à l’action. Et pour le Grand Conseil, je pense que ma présence les gêne depuis un moment car la non-agressivité de notre clan ne leur donne plus autant de légitimité pour faire régner l’ordre de manière unanime sur les clans d’Amazones et de Walkyries », finitelle dans un léger sourire.

– « Nous sommes tout de même désolées », renchérit dans un souffle Kenza.

– « N’en parlons plus », conclut-elle dans un sourire plus chaleureux. « Après cela, nous pourrions reprendre les dîners entre nous. Cela nous manque, à Elena et moi. Et Ankara pourrait nous rejoindre à l’occasion », son regard se tourna vers l’intéressée, qui se décomposa en entendant les derniers mots.

– « Plutôt crever… », marmonna-t-elle en quittant les lieux, avec un regard peu amène en ma direction.

– « Ankara… », morigéna Alexis qui ne se retourna pas pour autant.
Si elle avait accepté, je n’aurais rien fait pour manifester ma répulsion à cette idée de dîner, tant j’étais heureuse d’avoir apaisé les tensions avec mon alpha.

– « Bon, j’aurais essayé… », dit-elle plus fort à notre égard, en haussant des épaules d’un air plus complice bien que déçu.
La porteuse secouait lentement son visage dans un geste qui reflétait sa fatigue de la journée, et encore plus de la situation annoncée dans la matinée.

Patiente ! (L’Amazone, Chapitre 15)

– « Alexis va lancer l’offensive ? », demanda Aaron.
Depuis son arrivée, elle venait chaque soir lui rendre visite rapidement. La petite maison qui l’hébergeait était en marge du clan mais toujours dans l’enceinte de ce dernier. Il résidait ici pour le moment en attendant que la situation évolue. Mais dans quel sens évoluerait-elle ?
Kayla ne pouvait se résoudre à le laisser seul chaque jour dans cette détresse émotionnelle qu’apporte une cristallisation contrariée. Il était son ami et elle se devait d’être là pour lui.
De plus, elle ne lui faisait pas entièrement confiance pour résister à l’envie d’approcher son cristal. Aaron était une personne intègre qui comprenait les enjeux et l’importance d’Elise et Kenza pour le clan d’Alexis mais l’appel du cristal était puissant. Elle se demandait comment il pouvait encore gérer cela d’après ce qu’elle en avait entendu.

– « Je ne pense pas. Elle essaie encore de passer par des voies diplomatiques avec le Grand Conseil pour les forcer à intervenir et calmer Anya. Elle doute sincèrement qu’ils ne tentent quoique ce soit. En attendant, elle travaille avec Elena pour sentir le moment de leur attaque. Comme tu le sais, c’est un peu compliqué avec les dons d’Elena qui s’estompent. Mais nous travaillons sur deux stratégies tout en préparant les filles du clan pour la deuxième option. »

– « Vous allez tout de même cacher Elise s’il y a une attaque ? », Aaron restait plein d’espoir même s’il connaissait la réponse.

– « Nous avons besoin d’elle à nos côtés et tu le sais », souffla Kayla en secouant de nouveau sa tête.

– « Mais elle est encore jeune… »

– « Nous avons des appelées plus jeunes qui se trouvent déjà sur le terrain. Elle a d’ailleurs très bien géré la première attaque du clan… ».
Kayla se mordit la langue en s’apercevant qu’elle en avait trop dit. Aaron n’était pas sensé savoir qu’elle avait pris part au combat.

– « La première attaque ? », paniqua Aaron.
Kayla prit une seconde ou deux avant de lui répondre, pour s’accorder sur ce qu’elle s’autoriser à lui dire.

– « Kenza a reçu des menaces. Des serpents dans son lit avec un message pour l’inciter à les rejoindre. Elise et elle n’ont pas jugé bon de nous prévenir alors que nous étions encore chez vous. Le soir même, le clan d’Anya a lancé une offensive en sachant qu’Elena et Alexis n’étaient pas là. »
Le visage d’Aaron se liquéfiait en imaginant la suite évidente que cela impliquait. Il ne connaissait pas l’origine du combat qui avait précipité leur retour.

– « Elles ont profité de l’absence de la pythie pour lancer leur attaque. Kenza et Elise ont pu donner l’alerte avec un léger temps d’avance, Dieu seul sait comment d’ailleurs. Toutes les filles étaient réveillées et se sont dirigées vers le Conseil puis vers les deux brèches ouvertes. Malgré leur nombre, les guerrières d’Anya ne bénéficiaient plus de l’effet de surprise. Les talents de nos filles nous ont aidées à dominer. Elise et Kenza ont combattu chacune un bon nombre d’amazones, sans toutefois en tuer une seule. Histoire de conviction », précisa Kayla, montrant sa désapprobation.

– « Dans un geste de désespoir, ils ont lancé quelques petites grenades mais nous n’avons répertorié aucune morte ni de dégâts matériaux irréversibles. Quand nous l’avons su, nous sommes parties précipitamment de ton clan. Jeff est au courant mais nous ne voulions affoler personne avant d’en savoir plus. »

– « Je n’y crois pas… et pendant ce temps, je ne me suis même pas inquiété de son sort. Je l’ai vue pendant les entrainements et elle ne montrait aucun signe de stress ou encore de blessure… »

– « Il n’y avait pas à s’inquiéter. Nous avons remis en place des couvre-feux pour tous et toutes les filles ont repris un rythme d’entrainement plus soutenu pour se préparer. Alexis est énervée mais nous sommes prêtes à en découdre. Nous ne nous laisserons plus surprendre. »
Son ton se voulait rassurant mais n’enleva pas l’idée qui s’était formulée dans l’esprit d’Aaron depuis la mention de l’attaque.

– « Je veux aider… pas seulement pour la protéger mais si je suis ici, autant aider et protéger votre clan. C’est ma mission initiale. »
Son débit de parole s’accélérait comme pour la convaincre.

– « Tu sais que ce n’est pas vraiment possible. Si elle te croisait au détour d’un combat, elle pourrait se cristalliser à son tour et nous ne savons toujours pas si elle perdrait ses dons, contrairement à toi. Tu connais les règles du deal : nous cherchons une solution pour te rapprocher d’elle au maximum mais en attendant, tu ne la contactes pas… »
Aaron, passablement exaspéré par l’injustice de ces règles, se leva pour faire les cent pas dans ce petit salon. Il reconnaissait l’extrême générosité d’Alexis quant à sa situation mais comment rester assis quand sa douce courrait un danger chaque jour ? Sa mission était de
protéger les guerrières de ce clan comme les premiers clercs guerriers de son propre clan l’avaient fait. Les mœurs avaient changé et ils n’étaient plus obligés de vivre comme des moines mais leur mission était la même. La ferveur était toujours là. Ajoutons à cela l’aspect de la cristallisation et le tout devenait intenable. Kayla se sentit obligée d’intervenir face à ce silence pesant.

– « Reprends des forces et lors du combat, nous verrons comment tu peux intervenir loin d’elle. Mais sache que nous faisons tout ce que nous pouvons pour la former au plus vite, qu’elle se montre brillante et que nous tenons à elle comme à une sœur. Nous ne laisserions jamais rien lui arriver. »

– « Je sais… je sais … c’est juste que… », il souffla, n’arrivant pas à trouver les mots justes pour expliquer son désarroi face à la situation et son amour pour cette petite blonde. « Elle est vraiment douée… Kenza aussi d’ailleurs », se rattrapa-t-il. « Mais Elise… tu l’as vue lors du dernier entraînement ? »

– « Oh oui je l’ai vue. D’ailleurs elle t’a senti », dit Kayla dans un ton réprobateur. « Je n’ai pu t’en toucher un mot avant, avec tous les évènements qui se sont passé dernièrement, mais cela ne doit pas se reproduire. Si elle se doute de quoique ce soit, elle va commencer à fouiner et la connaissant, elle ne s’arrêtera pas avant d’avoir trouvé ce qu’elle cherche. J’ai réussi à détourner son attention quand elle m’a rapporté l’incident, mais c’était juste. Elle n’a pas senti ta lueur, sinon elle t’aurait tracké. Mais elle a senti tes émotions. »

– « Comment sais-tu que ce sont les miennes ? », se replia Aaron en tentant de défier le raisonnement de son amie porteuse.

– « Il n’y a que toi pour flipper quand Elise se prend une droite dans un combat, crétin ! »
Aaron s’avoua vaincu devant la limpidité de ce raisonnement. Qui se soucierait d’un crochet au visage dans un clan de guerrières légendaires, aux capacités physiques décuplées.

Le poids du passé (L’Amazone, Chapitre 15)

La bonne humeur revenait peu à peu même si nous restions toutes sur nos gardes. Nous nous étions réunies autour de deux dîners depuis l’appel au Conseil pour la menace portant sur la personne d’Alexis. Elena était de la partie pour le dernier et avait pu renouer non sans mal avec nos sœurs de combat. A l’instar des autres convives de nos dîners, je savourais ces retrouvailles, tout en restant sur ses réserves : cette réconciliation était encore trop fraîche pour ne pas mesurer le poids des mots utilisés ou encore des taquineries lancées.
A ma demande, la cadence de mes entraînements avec Ankara était intensifiée. Je profitais du changement d’humeur de cette dernière pour échanger plus de passes d’armes avec elle. Quand elle se donnait la peine de ne pas irradier de haine, elle pouvait être une excellente partenaire d’entraînement. Je progressais à vue d’œil. L’âme de ma guerrière percevait ce changement d’attitude et me laissait les rênes lors de nos combats pour que je puisse perfectionner mes propres techniques sans devoir m’appuyer sans cesse sur ses dons lors qu’elle émergeait. J’avais tenté il y a quelques séances de cela de percer le mystère de ce changement en elle, mais lorsqu’Ankara comprit à ma concentration sur sa personne ce que je tentais de faire, elle entra dans une colère phénoménale. Ahurie par sa réaction, je parviens à bredouiller une excuse confuse qui, à ma propre surprise, la convainquit.

– « J’ai…. J’ai juste essayé un nouveau truc pendant le combat. Je voulais voir si je pouvais utiliser mes dons pour lire ta prochaine attaque. C’est tout… »
Elle hocha sévèrement la tête en expirant sèchement de l’air via ses narines. Sa bouche pincée ne se desserrait pas et son regard onyx restait perçant. Elle mit fin à l’entrainement quelques secondes après cela, non sans ajouter.

– « Tes trucs d’apprenti sorcière, tu les feras sur d’autres que moi. Je suis là pour t’aider à maîtriser ta guerrière. Demain matin, dix heures. Même endroit. »
Elle ne prit même pas la peine de saluer Gwen. Pour sûr, la voltigeuse savait que j’avais menti, mais elle semblait aussi intriguée que moi quant à ce changement de comportement.
Elle ne pipa mot et ne revint pas elle-même sur l’incident du jour. Si ses dons n’étaient pas sur le déclin, elle aurait elle-même tenté ce subterfuge pour lire Ankara. Ankara l’intriguait également. Je le sentais.


En revenant de la session du jour avec Ankara, je croisais Sarah sur le terrain à droite attenant à notre « piscine municipale ». Les autres piscines d’entrainements, plus marécageuses ou tropicales étaient dissimulées plus loin dans le camp pour éviter d’attirer l’œil de nos visiteurs. La pauvre Sarah était également de corvées d’entraînement pour continuer de développer son don de télékinésie. Elle avait toujours maîtrisé ce dernier et ce, depuis ses premières manifestations à son éveil. Maintenant que les intentions du clan d’Anya étaient plus claires quant à la « cueillette » de dons, Alexis lui demandait de forcer sur son don pour le cultiver et le fortifier. Alors qu’elle déplaçait ou attirait à elle jusqu’ici des objets de taille moyenne, on lui demandait de projeter des objets toujours plus lourds et plus volumineux. Sarah rentrait épuisée de ses entrainements. Belen qui participait à ses entraînements et l’encourageait, s’en voulait de toujours la pousser dans ses limites et ne voulait qu’une chose : abréger cette souffrance et cette fatigue mentales. Mais elle connaissait les consignes : la faire évoluer pour transformer son don en arme, et pas seulement en tour de passe-passe pour détourner l’attention au combat. Sarah elle-même le savait. Ses disques de fonte, empruntés aux salles de gym et qu’elle devait faire bouger en situation de combat, n’étaient qu’une piètre imitation des nombreux corps qu’on lui demanderait de projeter et tuer lors de notre prochaine altercation. Aussi s’entraînait-elle encore chez elle à démantibuler certaines parties des objets soulevés comme elle briserait la nuque d’une personne qui serait en train de léviter. L’entrainement était si intense qu’elle avait noté l’apparition de cheveux gris, voire blanchâtres, dans sa chevelure. Une forme de nouvelle cicatrice en soi. Elle s’était confiée à Belen mais toutes deux s’étaient mises d’accord pour persévérer devant les
progrès accomplis.
Certaines d’entre nous étaient tellement épuisées par ce rythme soutenu que nous en venions presque à souhaiter la date prochaine de cette confrontation pour enfin retrouver notre bonne vieille routine au camp.
Le dernier cours de la journée était avec Megan. Pilotage de voiture. Il avait lieu en dehors du camp, dans un circuit discrètement aménager pour apprendre à piloter voiture, camion, hélicoptère, motos… Heureusement que nous n’avions pas de voisins proches et
que cette zone de la région était peu fréquentée. Comment justifier l’apparition de ce circuit en plain désert canadien ? Cette séance de pilotage était somme toute reposante, même s’il nous avait demandé de simuler une course poursuite en milieu urbain « fréquenté ». Il
représentait en ce moment une soupape de décompression dans notre emploi du temps de guerrière. Mei-Wen et Tara avaient un peu râlé sur le principe. Il est vrai que nous aurions peu l’occasion de jouer à Starsky et Hutch dans l’enceinte du camp lors du prochain combat, mais pendant une heure, une simple petite heure, nous avions pu rire et oublier ce combat.


En rentrant à la maison, le sourire aux lèvres, je courus à ma salle de bain non sans avoir hurlé un salut rapide à Kenza, qui était elle-même sous la douche, pour lui préciser mon retour. Les chats ne bronchaient plus sous mes cris. Tout le monde prenait désormais la peine de crier pour s’annoncer dans cette maison, et ce depuis le premier réveil de Kayla avec son tonitruant « rise and shine ».
Arrivée dans ce lieu béni de détente, je changeai d’avis et optai pour un bain au lieu d’une douche. Kayla, Belen, Alexis et Elena ne devraient pas arriver avant quarante-cinq minutes. J’avais donc le temps de me relaxer un peu et de panser mes blessures du jour, avant le dîner. Belen et Elena apportaient ce soir le repas. En attendant que mon bain finisse de couler, je me débarrassais de mon survêtement qui pendait telle une loque sur ma nouvelle carrure. Je jetai ce dernier dans la malle à linge sale. Je comptais faire une nouvelle lessive ce soir avant de me coucher. Je m’apprêtais à enlever également mes sous-vêtements quand je vis mon reflet dans la glace. Depuis le début de ce nouveau rythme d’entrainements, je n’avais plus pris le temps de remarquer les changements en moi. J’étais dans un tel état de lassitude les matins et soirs que je me contentais de me préparer en mode automatique pour la journée ou pour la nuit. Les seuls moments où je me permettais d’accorder de l’attention à mon enveloppe corporelle étaient dernièrement pour lui passer de la glace sur les coups ou désinfecter les coupures avant de cicatriser. Je me doutais que mon apparence avait dû encore un peu évoluer. Je supportais de plus en plus de poids sur mes bras et mes jambes lors des entraînements. Mes jambes, déjà bien dessinées, avaient pris encore plus de tonus. Mes muscles étaient en béton armé sans perdre pour autant en féminité. Mon teint avait pris des couleurs plus caramélisées avec le temps passé dehors, sous le soleil timide du printemps. Je ne déplorai qu’une chose à cette nouvelle silhouette : l’état de mes mains qui montraient quelques cales sur les paumes et cicatrices fièrement obtenues lors de maniement de nouvelles armes. La peau de ces dernières étaient sèches à force de manipuler les armes sous le froid. Impossible de les protéger avec des gants qui risquaient de faire glisser l’arme dans notre paume. Inutile aussi d’envisager une manucure pour redonner un air plus délicat ou précieux à ces dernières. Mon regard se fixa sur mon estomac, plus plat et dessiné que jamais, orné de ma ceinture. Une vraie tablette de chocolat. Envolées les légères poignées d’amour amoureusement entretenues sur Paris avec les brunchs entre amis. J’avais aujourd’hui un corps athlétique à se damner et je n’avais nulle part où le promener pour parader. Je restais tout de même fière de ce que je voyais. C’est à ce moment que Kayla fit son apparition. Je ne sursautai pas car j’avais senti sa lueur. J’étais juste intérieurement agacée de devoir dire au revoir à mon bain.

– « Que fais-tu à moitié à poil devant le miroir ? », m’interrompit-elle surprise, sans même prendre le soin de me dire bonjour.

– « J’étais en train de me débarrasser de mes fringues poisseuses du jour pour sauter dans mon bain quand j’ai constaté ces nouveaux changements sur ma musculature. »
Je n’avais pas peur de lui dire la vérité. Elle pourrait en effet me charrier un peu sur le fait que je m’observais en détail avec un air plutôt satisfait mais elle comprenait mieux que quiconque l’étonnement que cette évolution entraînait chez des appelées. Avec mes amis de Paris, je me serais fait vannée pendant des semaines, mais ici, il n’y avait pas de jugement. Elle me connaissait assez pour savoir que je n’étais pas vaniteuse.

– « C’est vrai que vous vous êtes toutes pas trop mal développées ces derniers temps », s’autorisa-t-elle. « Mais pour ta part, tu n’arriveras toujours pas à concurrencer mon corps de déesse de la guerre ».
Sur ces mots, je pris une de mes serviettes de bain pour lui balancer gentiment au visage.

– « Oh, tu es surprise ? Tu t’attendais peut-être à ce que je jette devant toi des pétales de fleur pour accueillir dans mon humble demeure votre incroyable seigneurie ? », rallai-je.
Kayla savait pertinemment que je la taquinais et n’avait pas attendu que je me mette à rire pour se dérider à son tour.

– « Plus sérieusement, je ne vous attendais pas aussi tôt. Kenza est toujours sous sa douche. Cela te dérange si je profite d’un quart d’heure pour prendre un bain et me détendre un peu les muscles ? »

– « Pas de souci, je serai en bas avec Alexis. »
Mes yeux sourirent à ma place pour cette attention. Elle quittait déjà la salle de bain en refermant la porte derrière elle. Je me précipitai dans mon bain qui devait bientôt finir de couler. Même si elles me laissaient du temps pour prendre soin de moi, je n’avais pas envie de les faire trop attendre. En me glissant dans la baignoire, je ne pus retenir un soupir de soulagement en sentant les premiers bienfaits de la chaleur agir sur les muscles de mes jambes.

Kayla descendait doucement les escaliers. Doucement relevait plutôt du sarcasme car son poids et sa musculature la rendaient tout sauf discrète, constatait affectueusement Alexis.
L’unité retrouvée parmi ses filles lui enlevait un poids sur le cœur. Les menaces sur sa personne et le danger qui rôdait autour de ses sœurs la maintenaient dans un état d’angoisse permanent, même si elle faisait tout son possible pour leur cacher. Il fallait qu’elle les prépare à tous les scénarii possibles, en cas de succès comme en cas de défaite.

– « Les filles finissent de se laver avant de nous rejoindre », se sentit obligée d’expliquer Kayla pour son retour sans les filles. « J’ai surpris Elise en train de se regarder dans la glace. Son expression m’a rappelé les premières fois où je notais des évolutions physiques quand je vous ai rejointes. Je me rappelle la fierté que je ressentais à chaque fois que je constatai mon évolution… »

– « Oui, ça nous fait tellement plaisir de voir le fruit de nos efforts. Je sais que je vous pousse énormément en ce moment et que cela est difficile mais vous tenez bien le coup. Merci pour ça. »
Le ton reconnaissant d’Alexis ne la quittait pas. Kayla s’étonnait encore certains jours de sa gentillesse et sa patience.

– « Ne t’inquiète pas pour nous. On gère. On sait ce qu’il nous attend et on sera prête à en découdre le temps venu », rassurait Kayla. « Mais pour revenir à Kenza et Elise, il est vrai que leur évolution est surprenante. Tara et les autres se développent vite également, mais cela reste du muscle. Chez Kenza et Elise, leurs dons prennent aussi de l’ampleur. »

– « Pour les autres oui. Pour Tara également, mais il y a quelque chose qui me chiffonne. Je vous en parlerai quand j’en serais plus sûre. Pour ce qui d’Elise et Kenza, j’ai effectivement noté cela. Leurs dons s’éveillent encore plus vite que ceux de d’Elena et de Gwen ne s’estompent. C’est encore plus palpable chez Elise car Kenza se confie peu sur ce qu’elle voit ou pas. Dans tous les cas, je suis très fière d’elles. Je pense même que nous le sommes toutes. »

– « Crois-tu que cette progression rapide soit due au fait qu’il nous a rejoint ? ».
Alexis apprécia qu’elle omît de prononcer volontairement son prénom, mais elle aurait préféré qu’elle n’évoque pas ce sujet alors qu’Elise était aussi proche d’elles. Après tout, son ouïe pourrait aussi surpasser la leur.

– « Je ne sais pas et je préférerai que nous en parlions plus tard ailleurs. »
Kenza descendait les marches pour les rejoindre.

– « Je me disais bien que j’avais entendu Kayla il y a quelques minutes chez Elise. Comment allez-vous ? Enfin, comment vas-tu Alexis ? Car je t’ai vue ce matin, Kayla. »

La soirée se déroula paisiblement entre les souvenirs des entrainements du jour et les histoires de chacune sur leur vie d’avant. Le sujet dériva momentanément sur Ankara et son changement d’attitude.

– « Tu n’as pas réussi à la ramener chez nous ? », taquinai-je Alexis. « Non pas que je m’en plaigne. »

– « Je ne désespère pas qu’un jour vous puissiez vous entendre », me répondit-elle dans un sourire. « Je connais une facette de sa personne que vous ne voyez pas encore. Et elle a du mérite. »

– « D’un point technique, au combat, oui. Après, je doute qu’elle ait envie de nous montrer cet aspect de sa personne s’il existe. »

– « Elise a essayé, Alexis. Il est vrai qu’elle s’est adoucie ces derniers temps mais pas par envie de nous être sympathique. Elle est juste absente. J’ai essayé de la lire pour savoir ce qu’elle est en train de faire ou ce qu’elle va faire, afin d’expliquer cette métamorphose mais pour l’instant, elle reste assez opaque et se tient encore plus éloignée de moi qu’elle ne le faisait déjà », renchérit Kenza.

– « Vous ne devriez pas avoir autant de doute sur l’une de vos sœurs », réprimanda Elena prestement. « Si Alexis ne remet pas en doute sa loyauté et que de mon côté, elle ne cherche pas à m’éviter, cela devrait vous convaincre de sa bonne foi, aussi abrupte et impolie qu’elle puisse se montrer au quotidien. »
Belen, comme toujours, tenta d’arrondir les angles.

– « Ce qu’Elena essaie de vous dire est qu’elle traverse sans doute une phase en ce moment, mais que cela ne doit pas remettre en cause la confiance que nous avons en nous toutes. Il nous faut être unie pour faire face à ce qu’il nous arrive. Son passé n’aide pas. »

– « Que lui est-il arrivé ? », demandai-je suspicieusement. Ma curiosité était plus forte que mon aversion à son égard.
Les regards des anciennes déviaient pour éviter de devoir prendre la parole.

– « Certaines d’entre vous ont eu un début chaotique », commença Alexis. « Tara notamment. Mais celui d’Ankara n’a rien à lui envier, si je puis m’exprimer ainsi. »
Elle prit un moment pour choisir ses mots ou peut-être se poser pour réfléchir à ce qu’elle était en droit de nous révéler sans la permission d’Ankara, qu’elle n’aurait jamais. Mais la défendre semblait lui tenir à cœur.

– « Ankara est une fille de diplomates qui résidaient à cette époque en Turquie. Nous ne connaissons pas son vrai nom. Alors qu’elle avait quelques années, ses parents ont été victimes d’un attentat politique orchestré par un groupuscule qui a préféré déléguer les détails de l’exécution à un groupe d’amazones qui agissaient en mercenaires pour se faire de l’argent. Elles ont recueilli l’enfant mais au lieu d’en prendre soin pour réparer ce qu’elles lui avaient fait en la privant de ses parents, elles l’ont utilisée en esclave. Ce petit clan ne se doutait pas qu’en grandissant, elle serait elle-même une appelée. Avant de mourir, ma prédécesseure au titre, Ava, avait dû mener une attaque contre ce petit clan qui ne cessait de nous titiller. En entrant dans le clan, ils ont trouvé ces enfants esclaves. Elle les a libérés et s’est assurée de leur donner un avenir en leur trouvant des familles, notamment chez nos cristaux qui étaient repartis dans la vie civile, en finançant leurs études et en s’assurant de les faire accompagner psychologiquement pour évacuer leur traumatisme. Ankara avait déjà 15 ans quand cela est arrivé. Je faisais partie de l’excursion qui avait la charge d’éliminer ce clan de renégats. Ankara, qui avait été ainsi renommée avec le nom de la ville où l’irréparable avait été commis, était la seule enfant qui refusait d’être libérée. Nous pensions à un syndrome de Stockholm mais elle a émis le souhait d’être entrainée par nos soins pour ne plus jamais connaitre la peur ou pouvoir éviter que son sort ne devienne celui d’un autre enfant. Ava, sur le moment, a accepté. Quelques mois plus tard, à notre surprise, une flamme d’appelée s’est éveillée chez elle. On ne sait si le Destin a fait preuve d’ironie ou si sa seule volonté a réussi à invoquer une âme de guerrière en elle, mais depuis ce jour, elle est restée avec nous et se montre sans pitié devant les clans aux pratiques si barbares. Elle ne sera jamais une grande bavarde. Je ne sais toujours pas son vrai prénom. Elle n’évoque jamais son passé, pas même ses parents. Un peu comme Tara qui tait ce qu’elle a vu à son appel. Mais je ne lui demande pas, par décence pour ce qu’elle a vécu et surtout par respect pour ce qu’elle a accepté de faire en nous rejoignant. »
Un silence pesant s’imposa.

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L’Amazone – Roman Fantasy – faits et Fiction

La présence des serpents dans la mythologie.

Entre Hercule qui avait, selon certains, étranglé deux serpents placé par Héra dans son berceau pour se débarrasser du nouveau jeune bâtard de son mari, jusqu’aux voyants et pythies qui manipulaient ces derniers comme créatures de savoir, le serpent revient souvent dans les textes mythologiques. 

Certains prophètes et magiciens des temps antiques se construisaient un mythe autour de serpents qui leur auraient léché leurs oreilles dans leur enfance. Cet animal était le symbole du savoir (repris plus tard dans le sigle de la médecine) et était considéré comme un héros oraculaire (petit rappel, oraculaire = oracle. Rien à voir avec votre petit doigt ou vos yeux 😉 )

Du temps des prêtresses de la Lune, les héros locaux se réincarnaient sous forme de serpents ou corbeaux. Ainsi, Asclépios, fils d’Apollon et fondateur de la médecine dans le monde grec, prit dans certains écrits l’apparence d’un serpent, ce qui faisait de lui un héros oraculaire. On conservait dans son temple plusieurs serpents apprivoisés comme symbole de régénération, renouveau (les serpents muent chaque année).


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