La Géante – L’AMAZONE

Illustration chapitre 1 l'Amazone - La Géante - illustration de Chloé Rogez

Chapitre 1 – L’Amazone – Tome 1

Je forçais un peu sur les aigus pour le culpabiliser. Je le connaissais par cœur et pouvais l’imaginer roulant ses yeux contrits et se décrochant la mâchoire, rien qu’aux émotions contenues dans sa voix.

– « Non, tu sais bien que tu resteras toujours la seule femme de ma vie, Trésor. La distance ne changera rien. Mais j’avoue que je suis tenté. Cela fait un moment que je suis avec Adam et cela me désolerait si je devais revenir à une vie dissolue de célibataire … et Dieu sait qu’elle était dissolue, oh boy ! J’aime notre petite routine en fait. Je me suis attaché à lui plus vite que Paris Hilton à un héritier grec… »

– « Charmant ! Adam devrait en être flatté. »
J’avais beau être habituée, ses comparaisons et métaphores me faisaient toujours rire.
– « Non, plus sérieusement, Trésor, ta remarque sur mes parents est pertinente. Je n’avais pas pensé à notre couverture. »
Percevant ses doutes et ses peurs soudaines, j’intervins pour le rassurer.
– « Attends, ne t’emballe pas. Tu ne peux pas refuser un trip de six mois en Asie pour tes vieux ! J’en connais qui vendraient leurs parents pour avoir cette opportunité. On n’a qu’à leur dire que tu pars toi-même en mission pour une OPA en Asie pour ta boîte et que je ne peux pas te suivre à cause de mon boulot. Ou bien on leur raconte qu’on s’accorde un break pour se consacrer à nos carrières et que tu veux faire du bénévolat dans une organisation caritative à Singapour. »

–  « Tu débordes d’imagination sous la pression… tu m’impressionnes. »

–  « Et encore, tu n’as rien vu, mon poussin », dis-je d’un ton machiavélique. Au moins, j’avais réussi à lui rendre le sourire. « Tu sais, repris-je, au bout de deux ans de mascarade, nous aurions dû faire évoluer la situation de nos personnages. Encore le mois dernier, ta tante m’a demandé quand nous comptions nous marier et fonder une famille ! »
Un éclat de rire moqueur résonna au bout du fil.

– « Toi ? Avoir un bébé ? C’est déjà un miracle si tes deux chats ont survécu ! Tu ne supportes pas le bruit, alors les cris et les pleurs… »
– « Pff, je ne rebondirais même pas sur cette remarque. Revenons à nos moutons : ne refuse pas la proposition d’Adam tout de suite. Vois d’abord avec ton boulot si tu peux prendre une année sabbatique ou te faire muter. Et si ce n’est pas possible, nous inventerons un scénario qui tient la route pour ta grand-mère, qui au passage traine une horrible odeur de naphtaline. »
– « Granny pue peut-être la naphtaline et la boule à mites, chérie, mais elle pue aussi le fric ! Alors un peu de respect, fillette ! »
Cette fois, je fus celle qui partit dans un éclat de rire. Il m’avait une nouvelle fois désarçonné avec son humour déplacé. Si je ne le savais pas aussi désintéressé par tout ce qui avait fait de sa famille l’élite de tout Paris, je l’aurais pris pour une ordure avec ces quelques mots.
– « Bon, je te laisse, mon chéri. Tu me tiens au courant par email, SMS, téléphone, réseaux sociaux ou même pigeon voyageur. Prends soin de toi. Gros bisous et passe le bonjour à Adam ! »

– « Ça sera fait. Gros bisous, ma puce ! »
Il avait beau être sarcastique et jouer de temps en temps à la folle de service, c’était avant- tout quelqu’un de bon et d’honnête. Sa situation n’était pas toujours facile mais il n’hésitait jamais à me renvoyer l’ascenseur pour tous les services rendus. Depuis que je l’avais rencontré dans mon premier job, il avait toujours été là pour moi, aussi bien pour les moments forts que les mauvaises passes.

Paris, je t’aime (L’Amazone, Chapitre 1)

Revenant aux chiffres de mes campagnes, je réalisai que mon ordinateur portable avait planté, n’enregistrant pas les dernières modifications de mon document. La rage me submergea. Je sentais déjà l’énormité des efforts que je devrai fournir pour empêcher les larmes de couler. En rebootant l’ordinateur, je vérifiais : rien dans les documents temporaires, rien sur le bureau et rien sur le disque dur… Super. Génial. Maudits soient Microsoft et ses logiciels pourris !
Heureusement, je me souvenais de mes dernières modifs. Je recommençais mon tableau de croisées dynamiques quand mes collègues revinrent de leur pause « café/clope ».
Je souris : Jeanne parlait toujours de son nouveau resto découvert hier. Caroline revenait avec une tasse de thé, qui je le devinais pertinemment, devait être à moitié froide. Elle marchait à côté de Stéphanie, dont les cernes donnaient l’impression de toucher les coins de sa bouche, tant elle était fatiguée.
– « Encore sur la présentation ? », me demande Caroline, sortant plus brusquement que voulu de ma quiétude.
– « Oui, j’ai encore perdu mon foutu document. J’en ai trop marre, je te jure. Je vais jeter le portable par la fenêtre. Comment veux-tu être à jour sur tes dossiers quand tu dois refaire chaque document deux fois ? J’en ai pour une heure de travail alors que j’étais censée avoir fini. Cela implique que je ne serai pas sortie du bureau avant vingt heures ! »

J’accompagnais cette dernière tirade d’un coup d’œil à mon téléphone pour vérifier l’heure.

– « Je comprends, j’ai les mêmes soucis sur mon ordi depuis la dernière mise à jour… Si ça te tente, on se fait un déjeuner avec les filles près du Parc Monceau demain midi. On en profitera pour décompresser un peu et se changer les idées. On est toutes un peu sous l’eau en ce moment. »
– « Ah non ! J’ai un déjeuner professionnel demain avec mon client de la finance », répondis-je, dégoûtée de la tournure des évènements.
Un déjeuner à l’extérieur m’aurait vraiment plus. Je ne supportais plus la couleur des murs de l’open space. Tout me semblait tellement triste ces derniers jours que je sentais que même la plante verte en plastique sur ma gauche menaçait de faner.
– « Ce n’est pas grave, on peut reporter notre déjeuner à après-demain. Nous ne sommes pas à un jour près. On peut tenir une journée de plus avec nos sandwichs ou repas livrés du traiteur japonais », dit-elle dans un éclat de rire.
– « Merci, c’est adorable ! »
Je réalisai à cet instant que j’avais beaucoup de chances d’être tombée sur des collègues aussi sympas.
Alors que le bureau était majoritairement composé de filles, nous aurions pu croire que nous aurions passé notre temps à nous crêper le chignon. Ce n’était pas le cas. Tout était simple et nous nous entraidions beaucoup. Je pense que cela résultait avant-tout des méthodes de recrutement de Robert. Pour lui, l’essentiel était d’avoir du caractère mais beaucoup d’autodérision. Il n’était donc pas étonnant que la moindre crise au sein de l’open space se finisse en fou-rire mémorable.
Une heure trente de recopiage de tableau et deux coups de fil de mon client « favori » plus tard, je pouvais enfin rentrer chez moi.

En prenant l’ascenseur pour quitter le bâtiment, je m’aperçus au dernier moment que je devrai le partager avec « Olga ». Olga était le surnom que mes collègues et moi avions donné à la fille qui travaillait au cinquième étage. Fille était un genre attribué un peu hâtivement, après avoir noté que l’individu avait les cheveux longs et noués à la nuque par un élastique en velours rose bonbon.
Olga avait aussi la particularité d’être taillée comme une lanceuse de poids russe qui aurait pris des hormones les dix dernières années. Ou comme l’armoire de Narnia.
En entrant dans la cabine, je pus noter qu’elle affichait toujours la bouille heureuse d’une porte de prison de Guantanamo. Je ne bronchais pas. Quelque chose en elle me faisait peur. Pourtant, j’ai bien essayé d’être aimable. J’ai même eu le cran par le passé de lui dire bonjour. Ça remontait à trois mois maintenant. Elle m’avait répondu par un grognement. Ses yeux étaient mauvais et donnaient l’impression de vouloir me tordre comme on le ferait à une cuillère par la seule force de la pensée. Je cessais donc toute initiative hasardeuse.
Je sortis donc de l’ascenseur, puis du bâtiment, accompagnée de mon bodyguard enragé. Ce soir-là, nous marchâmes dans la même direction. Je me rassurais de mon mal aise en me disant que je m’arrêterai bientôt au primeur pour faire quelques petites courses pour le repas de ce soir. Je préférais encore marcher seule en cette nuit d’hiver que de faire un bout de chemin avec Olga.
Pendant ce trajet avec ma voisine de travail, j’avais de nouveau la désagréable sensation d’être suivie. Me retournant discrètement, je constatais qu’il n’y avait qu’Olga et moi dans la rue. Si nous étions allés en été, j’aurais pu ruser en regarder dans le reflet intérieur de mes lunettes de soleil. Pour une raison inconnue, cette astuce lue dans le journal de Mickey quand j’avais six ou sept ans m’était revenue en tête. Je m’étais promise de m’en souvenir le jour où je deviendrai détective. Idée ridicule maintenant mais j’y croyais dur comme fer alors.
De retour à la réalité, j’admettais sans peine qu’Olga devait me perturber plus que je ne le pensais. Elle me foutait vraiment les jetons, cette idiote. Je ne pouvais m’empêcher de pester contre elle, tant je me trouvais stupide d’angoisser comme je le faisais. Cela ne m’importait plus désormais, car je m’engouffrais dans la boutique du primeur. Olga, quant à elle, continuait son chemin vers la plus proche station de métro.

L’armoire à glace (L’Amazone, Chapitre 1)

Revenant les bras chargés de fruits et légumes, je rejoignais mon appartement. Une fois les courses rangées, je m’attelais au rangement de ce dernier. Je ne pouvais m’empêcher de faire le ménage chaque jour. Je ne supportais ni poils de chat, ni poussière, ni trace de doigt. C’était plus fort que moi, quelque chose de compulsif. Après avoir passé l’aspirateur et javellisé l’appartement, je m’autorisais à me poser un peu sur le canapé avec les chats, avant de me mettre aux fourneaux. Enfin ça, c’était le plan initial. Le téléphone se mit à sonner. J’en fus surprise car la plupart du temps, je laissais ce dernier en mode vibreur pour ne pas être dérangée au travail. Reconnaissant immédiatement l’interlocuteur, j’enchaînais à peine décroché.

– « Bonjour, Papa ! Comment vas-tu ? »

–  « Bonjour ! Je ne te dérange pas au moins ? Tu n’es pas encore au bureau j’espère ? »

–  « Non, rassure-toi. J’ai fini relativement tôt. J’ai même eu le temps de faire quelques courses en rentrant. »
Je ne lui parlerai pas ce soir des petits soucis et contretemps du travail. Depuis son divorce avec ma mère lorsque nous étions jeunes, mon père était devenu très protecteur pour mon petit frère et moi-même. Mariés jeunes pour partir très vite de leur famille, ils avaient construit leur famille toujours avec la même précipitation. Avant 30 ans, ils avaient leurs deux enfants. Une fille, un garçon. Elise et Gabriel, que j’appellais Gab. Au départ de notre mère, Patrick fit du mieux qu’il put pour encadrer des adolescents. Le temps avait fait son œuvre et notre cocon familiale un peu boiteux avait fait son petit bout de chemin. Depuis quelques temps, il fréquentait de nouveau une jeune femme, dénommée Marianne. Même si nous l’avions peu croisé jusqu’ici, le regain d’énergie de notre père nous faisait plaisir à voir.

– « Tant mieux ! J’avais peur de te déranger. Alors, quoi de neuf depuis quatre jours ? Toujours autant de travail ? »
– « Oui, mais ça s’arrange. Nous sommes un peu moins dans le rush. Les clients se calment. La période « bilan » après les soldes a été plutôt bonne. Les chiffres ont suivi, même si ça ne sera pas aussi bien que les années précédentes en raison de la crise. »
– « Bon, bah, c’est bien alors ! » Je savais qu’il n’avait rien compris, mais c’était touchant de le voir faire autant d’efforts pour s’intéresser à mon travail dans le web. « Au fait, cela me fait penser à un truc que m’a dit Marianne. Je sais que je passe du coq à l’âne, mais une nouvelle vague de froid se prépare. Pense à bien te couvrir. Mets une écharpe et prends tes gants. »
– « Oui, papa », dis-je dans un sourire. « Ne t’inquiète pas, je ferai attention. Le tout est qu’il ne gèle pas car c’est vraiment gênant de se déplacer sur Paris dans ces conditions. Mais à part cela, comment vas-tu ? »
Une conversation des plus banales s’engagea. Ses sorties avec Marianne, sa routine quand Gab était en cours, son jardin, son travail…

–  « Au fait, comment va Damien ? »

–  « Très bien. Le dernier repas en famille s’est bien passé, donc nous n’avions aucune raison de nous inquiéter. Mais il va bientôt y avoir du nouveau. Il risque de partir en Singapour avec son compagnon pendant six mois. »

– « Ah, c’est bien. Pour lui… Et pour toi », se hasarda-t-il. « Car, à jouer la comédie du faux couple, tu fais fuir sans le vouloir les prétendants. » Il n’y avait que Patrick pour parler de prétendants au XXIème siècle. Je roulais des yeux en sentant cette conversation tourner au sermon. « Je ne veux pas que tu restes seule, surtout dans une grande ville », reprit-il. « Tu es plutôt jolie, tu ne devrais pas avoir de mal à trouver… »
Sentant la gêne monter, je pris le parti de le couper dans son élan. Je ressentais sa propre gêne, celle d’un père qui s’inquiète pour sa fille mais également celle d’un père qui doit pousser malgré lui sa fille dans les bras d’un autre, qui prendra le relais pour la protéger. Quelle idée archaïque ! Et puis l’entendre commenter mon aspect physique, argh….
Je ne lui en voulais pas, car je comprenais ce dilemme en lui. Mais il refusait de considérer que sa grande fille était indépendante et plus forte qu’il ne le pensait.
– « Papa, je n’ai aucun problème pour trouver quelqu’un, c’est juste que je ne veux trouver personne. Je suis bien toute seule. J’ai des amis et préfère me faire une carrière tant que je suis jeune et sans enfant. » S’il savait que je n’en voulais pas… « Et puis », repris-je d’un ton plus taquin, « tu es trop jeune pour être grand-père ! »

– « C’est vrai, mais bon je m’inquiète. Je ne veux pas que tu finisses vieille fille comme cette idiote au bureau… »
Il partit sur une longue tirade sur sa collègue de bureau. Il ne la supportait pas et tous deux ne pouvaient s’empêcher de se crêper le chignon. Cela rythmait ses journées. Nous finîmes notre conversation sur Gab et ses sorties, ainsi que la crise… Il raccrocha au bout d’une heure non sans avoir répété ses consignes météorologiques.

Après cette longue conversation, je me motivais pour me préparer une rapide salade de maïs et poulet, que je dévorai devant des épisodes de South Park. La vingtaine passée, je ne pouvais rester insensible à l’humour plus que limite de ce dessin animé. Les meilleures vannes sortaient bien sûr de Cartman, mon personnage préféré. Puis, une fois les épisodes terminés, je zappais de chaînes en chaînes pour atterrir sur un reportage sur la crise. Décidemment, on ne parlait que de ça !
Je préférais encore surfer sur le net, à la recherche de blogs sur les nouveautés du webmarketing. Autant tirer profit de ce temps libre. Un peu de veille ne me ferait pas de mal pour le travail. Après une heure de lecture sans grand intérêt, je pris un bain pour me détendre et regagnais mon lit, accompagnée de mes deux chats, pour tomber dans les bras de Morphée.

La nuit fut courte. J’avais pourtant dormi 7 heures – ce qui est honorable, connaissant mon cycle de sommeil – mais lorsque le réveil sonna ce matin, j’eus l’impression de n’avoir dormi que cinq minutes. Lentement, la tête encore dans le cosmos, je me chargeais de nourrir les chats qui savaient se faire entendre lorsqu’il était l’heure de manger. Puis je me dirigeai vers la salle de bain. En jetant un coup d’œil au miroir, les yeux encore mi-clos, agressée par la lumière de la pièce, je constatai les dégâts.

– « Eh bien, Élise », me dis-je tout haut, « ce n’est pas aujourd’hui que tu vas remporter un prix de beauté. Il va y avoir du travail pour te faire un ravalement de façade ce matin. »
La douche bouillante finit de me réveiller. Je sautais dans un jean noir, un petit pull mohair pour le confort et finis de me féminiser avec une paire d’escarpins noirs et mon blouson de cuir. Il fallait que je me dépêche si je ne voulais pas être en retard. Je me maquillais très vite, me chiffonnais les cheveux avec de la cire structurante, pris mon sac, mon écharpe et mes gants avant de partir en furie.

Je prenais le métro. Même ligne que d’habitude. Mêmes visages que je croisais chaque jour. Mes écouteurs à fond dans les oreilles, je me laissais aller à mon passe-temps favori : imaginer la vie des gens qui m’entouraient, leurs problèmes et leurs tempéraments à travers leurs visages. Ce matin, comme depuis quelques semaines, je ne vis que des visages fermés. Ces derniers faisaient écho aux gros titres des journaux gratuits distribués dans le métro. Crise. Dépression. Fermeture de sociétés. Risques de liquidation de banques. Ce rabattage médiatique me donnait l’impression d’enfoncer toujours plus loin l’économie de nos pays développés, jusqu’à la faire couler.

J’arrivai à l’agence avec seulement cinq minutes de retard. « On pourrait presque dire que je suis en avance », ironisai-je avec moi-même. Apercevant Caroline, Stéphanie et les autres, je lançai un « bonjour » général accompagné d’un signe de la main. J’avais beau être matinale ce matin, je ne devais pas trainer sur mes dossiers. Le retard avait tendance à s’accumuler sur la journée, voire la semaine avec moi. Les heures défilèrent assez vite. Aucun coup de fil pour me déranger.

Vint enfin l’heure du déjeuner. Mes collègues descendaient pour aller chercher leur sandwiches à midi. Je profitai de leur départ pour les accompagner et me rendre à mon déjeuner professionnel. Les bras chargés de mon laptop et de mes présentations, je patientais avec les filles en attendant de pouvoir monter dans l’ascenseur. Celui-ci n’arrivait pas. Nous entendîmes des bruits de pas provenant du cinquième étage, qui résonnèrent dans les couloirs du bâtiment.

– « Hé Caroline ! Comment vas-tu ? », dit Christopher en l’apercevant.
Puis s’adressant à notre groupe cette fois, il ajouta :
– « N’attendez pas l’ascenseur. Ça ne sert à rien. Il est de nouveau bloqué depuis ce matin onze heures. »
Un grognement collectif s’échappa de notre groupe. Christopher était un ancien collègue de Caro. Tous deux avaient travaillé dans la même boîte cinq ans auparavant. Après avoir tous deux démissionnés, ils s’étaient perdus de vue. Ce fut avec surprise qu’ils se retrouvaient quatre ans plus tard dans le même bâtiment, alors que Christopher venait d’être engagé comme commercial dans la société d’Olga. Depuis, il délaissait souvent ses collègues pour déjeuner avec nous. Je le soupçonnais d’ailleurs de nourrir un énorme béguin pour Caro. Même si les autres n’étaient pas d’accord avec ma théorie, je n’en démordais pas. Certains signes ne trompent pas.
– « Vous allez aussi à la boulangerie ? Nous y allons aussi. On descend ensemble ? », enchaîna-t-il sans attendre notre réponse.
Super ! J’allais de nouveau faire un bout de chemin avec Olga, ma grande copine qui m’avait collé les miquettes pas plus tard qu’hier soir. Ayant salué l’ensemble du nouveau groupe, je tentais un sourire vers cette force de la nature. Après tout, je la croisais deux fois en moins de vingt-quatre heures, je pouvais faire un effort… À peine son regard avait-il croisé l’esquisse de mon sourire que je constatais qu’elle ne comptait nullement me rendre la pareille.
Pendant ma vaine tentative de socialisation, la conversation entre les deux groupes prenait un tour qui me déplaisait.
– « Demain ? Nous allons manger toutes ensemble dans un petit resto très sympa près du parc Monceau », lançait Stéphanie. Et la phrase que je redoutais le plus suivit. « Joignez- vous à nous, si ça vous tente ! »
Un énorme poids s’abattit sur mes épaules. Je comptais tellement sur ce déjeuner entre filles pour souffler un peu et me changer les idées. Pense-bête de la journée : crever les yeux de Stéphanie en rentrant de mon meeting. Enfin ! À quoi pensait-elle ? Bien sûr qu’ils allaient accepter ! Ils s’ennuyaient comme des rats morts dans cette société. Un « oui » collectif fit écho à sa proposition. Génial. Tout va bien… Comme si les dernières semaines à me nourrir de sandwichs n’avaient pas été suffisantes, je passe mon seul déjeuner tranquille avec Olga et la « Dream Team » : Christopher, le Postillonneur et le Simplet. Je n’avais rien contre Christopher mais ses collègues étaient un peu dur à supporter. Avec un peu de chance, j’allais de surcroît être assise à côté de la psychopathe de service. A coup sûr, elle me collerait un pain en plein repas juste pour me demander de lui passer l’eau. Ce serait bien son style, tiens… Une barbare ! Je savais au fond de moi que je me montais la tête toute seule mais c’était plus fort que moi.
Je tentais de me calmer en descendant les dernières marches quand j’aperçus dans le hall d’entrée du bâtiment quand j’aperçus deux personnes à l’allure stupéfiante. Ces dernières attendaient patiemment dans un recoin de la pièce et semblaient guetter l’arrivée de quelqu’un. Je ne m’attardais pas sur leur posture. Je fixais davantage mon regard sur leur apparence physique. Stupéfiantes ! Il n’y avait pas d’autre mot. Je n’avais jamais vu de femmes aussi musclées. Elles ne ressemblaient pas à des culturistes. Leurs muscles transpiraient la force brute et non la gonflette de concours nourrie aux stéroïdes. Ces derniers étaient tendus, vifs et s’impatientaient de pouvoir enfin s’activer dans un élan bestial à la moindre stimulation. La taille de ces femmes était également impressionnante. Elles flirtaient toutes deux avec le 1,90 m. Toutes deux des colosses sortis d’un combat de gladiateurs de Grèce Antique, elles semblaient pourtant impassibles. Les épaules d’Olga paraissaient fragiles en comparaison de l’ossature de ces deux géantes.

Entendant nos bavardages, elles tournèrent de façon vive et synchronisée leurs visages vers nous. C’est à ce moment que je pus vraiment les dévisager. Leurs expressions étaient sévères. Leurs yeux fixés en notre direction, elles semblaient se concentrer. Leurs mâchoires se crispèrent à notre arrivée. Plus imposantes qu’Olga, j’aurais dû baisser les yeux et éviter de les dévisager. Les représailles pourraient être terribles. Mais je n’arrêtais pas. Non pas par défi. Elles ne me voyaient pas. Elles étaient occupées à fixer Olga.

Je suis bête, j’aurais dû me douter qu’elles la connaissaient. Toutes trois devaient faire partie du même club de sport. Peut-être venaient-elles chercher leur copine pour déjeuner. Avec un peu de chance, c’est un rituel et elle ne pourrait pas nous accompagner demain pour déjeuner. Mais mes espoirs s’envolèrent très vite quand je vis ces dernières marquer un léger recul à notre passage. Elles continuaient de fixer Olga mais cette dernière ne semblait pas les voir. A la lecture des visages de mes compagnons de route, j’en déduisais que j’étais la seule à les avoir remarquées. Bizarre. Un coup d’œil à l’horloge de mon portable me rappela à l’ordre. Il fallait que je m’active si je ne voulais pas être en retard à mon déjeuner client. Les bras chargés, je saluais rapidement le petit groupe et leur souhaitais un bon appétit. Je lançai un dernier regard peu amène à Stéphanie, qui à son expression, fit le rapport avec la bourde qu’elle venait de commettre.

Alors que je maudissais encore la tournure qu’avaient pris les évènements, je sentis mon portable vibrer dans mon sac. Évidemment, il ne sonnait que lorsque j’avais les bras chargés. C’était un texto. Le boss ne serait pas au rendez-vous. De mieux en mieux. J’allais devoir assurer le show toute seule. Heureusement que je connaissais bien le client et que les chiffres du bilan tenaient la route.

Le repas s’était déroulé à mon avantage, comme je l’avais pressenti. Cette société voulait lancer un nouveau produit exclusif sur le net. Je devais finaliser demain par téléphone certains points de leur lancement de campagne avec Robert, notre boss. De retour à l’agence vers quinze heures, je rentrais directement dans le bureau de Robert, notre boss, qui n’était pas en réunion pour une fois. Je lui faisais le point sur le rendez-vous du midi, tout en lui signifiant les dates deadlines du projet que nous devions leur rendre.

– « Note sur ton agenda la réunion téléphonique de demain. Tu vas oublier ! Tu n’étais pas là aujourd’hui ! »

–  « Mais non, c’est bon ! », me répondit-il.

–  « Note-le », insistai-je. « Si on rate ce rendez-vous, nous allons encore passer pour des guignols ou des tire-au-flanc. »

– « Bon, je fais ce que je veux, c’est quand même moi le patron ici. »
Son ton était en total désaccord avec son sourire. Il souhaitait me charrier et non m’engueuler. Il connaissait ses défauts et savait pertinemment qu’il était dans son intérêt de noter ce rendez-vous.

Je repartis à mon poste pour le reprendre le cours des tâches entamées ce matin. Au bout de deux heures, je prenais une pause avec les filles. La colère du midi était passée. Je faisais semblant d’engueuler Stéphanie mais mes yeux riaient tous seuls. On repassera pour la conviction…

– « Bravo Mademoiselle », entamai-je. « Maintenant je vais déjeuner avec la psychopathe du cinquième. Je te préviens : si demain vous me laissez à côté d’elle, ça va mal se passer ! Elle me fout les boules et vous le savez. »
– « Mais ne t’inquiète pas, espèce de râleuse. Je me mettrai à côté d’elle. Si ça se trouve d’ailleurs, elle restera avec ses collègues. Mais au fait, comment s’est passé ton déjeuner ? »
– « Impecc’. On doit encore fait un point téléphonique demain matin mais normalement on lance une petite opération de buzz pour le lancement d’un nouveau produit »
– « Si ça te tente, on part déjeuner juste après la conférence téléphonique ? Tu auras fini pour midi ? »
J’acquiesçai de la tête. Puis, une fois ma tasse de chocolat chaud terminée, je retournais à mes dossiers. La fin de l’après-midi passa très vite. Fière de moi, je constatais que j’avais terminée l’ensemble de mes tâches avant dix-neuf heures. Je pourrais quitter le bureau de bonne heure ce soir.

Une fois mon ordinateur éteint, je prenais le chemin de la sortie, direction l’ascenseur. Ce dernier avait été débloqué dans l’après-midi. La concierge avait l’habitude. Elle appelait désormais le réparateur dès la première plainte. Les portes s’ouvraient enfin … sur Olga.
Je ne sais pas s’il y a un Dieu là-haut, ni quel était son vrai nom, mais visiblement il ne me portait pas dans son coeur. Je m’engouffrai dans la cabine, en lui tournant le dos. Après la tentative de ce midi, je faisais la morte.
– « Bonsoir »
Cette grosse voix résonnait encore derrière moi. Sous le choc, je ne savais que faire. Je savais en soi que je devais lui répondre, mais devais-je engager la conversation ? Son « Bonsoir » était-il une invitation à lui parler ? Et si je me mets à lui parler et que ce n’était pas ce qu’elle souhaitait, allait-elle m’aligner une droite ? Les secondes passaient.
– « Bon-soir ».
Et merde, ma voix m’avait lâchée, la traitresse. Je me félicitai : bravo ma petite Élise, j’espère que la célibattante parisienne que tu es (selon le dernier test de Cosmo) est fière de sa réplique. Je savais déjà que ce serait son sujet de blague demain au bureau avec ses collègues. Après un rapide examen, je la voyais esquisser un sourire. Pas le sourire escompté. Il n’était pas moqueur, ou encore cruel. Son visage évoquait davantage celui d’une petite fille qu’on vient de féliciter. Oui, c’est ça. Une petite géante de quatre-vingt-cinq kilos de muscles à l’état brut, qui étendait un sourire jusqu’aux oreilles. A ce stade, je ne savais pas si je ne la préférais pas lorsqu’elle tirait une tronche de dix pieds de long.

L’ascenseur arrivait enfin au rez-de-chaussée. Du hall d’entrée, nous ressentions déjà le froid de la rue. Mon père, ou plutôt Marianne, avait raison. Il gèlerait demain.

Je traçais mon chemin. La sensation d’être suivie se fit ressentir, comme hier. Au moment où je me retournais, je vis Olga prendre à droite, sans un regard pour moi. Cette sensation bizarre s’estompa quelques secondes plus tard. Soit je devenais parano, soit elle me faisait vraiment peur. J’essaierai de changer mes horaires la semaine prochaine pour être sûre de ne pas retomber sur elle.

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L’Amazone – Roman Fantasy – Faits et fiction

Qui étaient les Valkyries dans la mythologie?

Les Valkyries n’étaient pas de simples guerrières vikings, au service du dieu nordique Odin. Derrière l’image de belles guerrières vierges aux traits scandinaves qui conduisaient les guerriers morts au combat au Valhalla, se cachaient des divinités sanguinaires, raffolant des tueries et carnages, qui tuaient parfois elles-mêmes les guerriers au combat afin de les emmener au Valhalla.

Messagères d’Odin, elles accompagnaient donc ce dernier dans la Chasse Sauvage à la quête de héros morts au combat. Elles sélectionnaient les Einherjars (guerriers d’exception morts au combat « arme à la main ») pour les amener au Valhalla en vue du Ragnarök

Chevauchant de magnifiques chevaux nacrés, dont la couleur faisait penser aux nuages, elles restaient des amazones sauvages qui se délectaient du spectacle de la mort ou de membres arrachés.

Qu’est-ce que veut dire Valkyrie?

Ce mot descend vieux norrois valkyrja, qui se compose des mots val (abattre) et kyrja (choisir) (littéralement, « qui choisit les abattus »)

Qu’est-ce que le Ragnarok?

C’est tout simplement la fin du monde telle que la mythologie germanique la voit. Odin regroupe les meilleurs guerriers pour constituer son armée. Au Valhalla, ces guerriers patientent jusqu’au jour du Ragnarok, en passant leur temps à boire et se mettre sur la tronche. Tout un programme.

Qui sont les Valkyries les plus célèbres?

Elles sont nombreuses et cette liste est non exhaustive. Mais on retrouve: Brynhild, Geirskogul, Goll, Gondul, Gunn, Hild, Hrist, Mist, Olrun, Randgrith, Rathgrith, Reginleif, Sigrdrifa, Sigrun, Skeggjold, Skogul, Skuld, Thruth…

La plupart de leurs prénoms ont une signification qui définit leur caractère ou leur fonction.


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